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Photo du rédacteurPatricia Buigné

Kerridwen et Taliésin

Dernière mise à jour : 13 nov. 2023



Il était une fois, et il n’était pas, en pays de Pennlyn, terre du souverain Tegid Voel Le Chauve, une femme d’une grande beauté, pleine de talents et de grands savoirs sur les choses secrètes.


Cette femme avait pour nom Cerridwen (ou Kerridwen) est était l’épouse même de Tegid Le Chauve. De leur union naquirent trois enfants, Creiwyl une enfant magnifiquement belle comme sa mère, Morvran et AfangDu l’enfant le plus laid du monde. C’est pour sa laideur que Cerridwen semble le chérir plus que les autres, c’est pour sa laideur qu’elle cherche les magies les plus fortes, les filtres les plus secrets. Cet enfant laid lui hante le cœur et, son amour pour lui désire le sauver de son infortune.


A force de quête Cerridwen trouve enfin le moyen de compenser la laideur de l’enfant par la possibilité d’acquérir le savoir primordial. A cet effet elle prépare le chaudron de la connaissance et d’inspiration qui doit bouillir durant une année et un jour.. Elle sait, que trois gouttes de ce breuvage donné à l’enfant seront pour lui l’inspiration divine, celle qui illumine l’âme, promet tous les savoirs et tous les dons. Son fils alors n’aura plus à rougir de sa laideur puisque la beauté de l’âme lui sera donnée.


Le temps passant à faire bouillir le breuvage la Reine met à sa surveillance un jeune homme du nom de Gwyon Bach, ainsi qu’un vieil aveugle du nom de Mordra. Ils doivent ensemble veuillez à ce qu’il y ait toujours du feu sous le chaudron et que le liquide ne déborde pas. Ainsi font-ils, car Ceridwen, tout aussi belle soit elle peut avoir de terrible colère. Une année est passée, le cycle rond du temps a bientôt fermé sa boucle et le temps du breuvage arrive pour Afgdu.Ce jour là Cerridwen est en quêtes d’herbes et de plantes magiques. Gwyon et Mordra discutent et discutent tant qu’ils ne voient pas le breuvage gonfler, buller de plus en plus, comme une grosse soupe enfin trop chaude qui pouffe des vapeurs. Trop tard, le liquide jailli, saute, éclabousse tant et si bien que surpris Gwyon n’ayant pas eu le temps de s’écarter s’y brûla la main. La douleur est terrible, le feu, le chaud est là, l’instinct porte sa main à la bouche.


Trois gouttes de magie le touche tout entier, pénètre par sa bouche. La lumière, la chaleur l’envahit tout entier comme un soleil nouveau, Gwyon est ébahi, choqué : n’a t-il pas bu là les trois gouttes réservées à Affgdu ? Et Gwyon, la tête soudain remplie de savoir, sait, voit, comprend la colère de Cerridwen. : il doit fuir !


La colère de Cerridwen fut terrible, elle cria, hurla, frappa la terre de ses talons, frappait tous ceux qui passait à sa portée, elle n’épargna pas Morda. On l’entendit jusqu’au bout des pleines, en haut des montagnes, le long des rivières du royaume. Ses larmes se mélangeaient à ces cris et tous tremblaient en l’entendant.Ivre de rage et de chagrin la Reine parti à la recherche de Gwyon pour le châtier. Terrifié, l’enfant se cachait , entendit les cris, les menaces professées dans la colère.


Alors qu’il entendait son pas plus proche, faisant appel à sa sagesse toute neuve, il se transforma en lièvre espérant courir si vite qu’elle ne pourrait le rattraper. Peine perdue Cerridwen était bien savante elle aussi des choses de magie et elle se transforma en lévrier. Ainsi elle courrait aussi vite, plus vite et l’approchait toujours plus. Prenant son élan Gwyon se change en poisson et Cerridwen devient loutre, Gwyon oiseau Cerridwen faucon. Toujours armé de son pouvoir de métamorphose Gwyon devenant grain se cache dans un tas de blé. Cerridwen devint immédiatement poule noire et avale les grains et par là – même Gwyon.


A l’aube d’un autre jour la Reine vois la grosseur de son ventre. Alors que son mari Tegid Le Chauve est parti combattre les pirates Gaëls et établir des fortifications le long des côtes, elle comprend immédiatement ce qui lui est arrivée. Cet enfant qu’elle attend ne peut être que le jeune Gwyon, la graine qu’il était devenu et qu’elle avait avalée, et se prépare à une deuxième naissance. Keridwen, le jour venu, va seule mettre au monde l’enfant. Cet enfant est tellement beau que lorsque ses yeux croisent les siens, elle ne peut se résoudre à l’éliminer afin de le cacher aux yeux du monde, et lui construit une sorte de couffin tressé en joncs et en mousse qu’elle confie à la bienfaisance des eaux d’une rivière qui, loin de là, va mélanger ses eaux à celles de l’océan…


Neuf jours et neuf nuits durant, Gwyon fut ballotté au gré des flots mais sans jamais pleurer. Il n’éprouva ni la faim, ni la soif, car l’eau de la pluie prenait soin de le désaltérer et de tous petits poissons de sauter hors de l’eau pour rejoindre directement sa bouche. Au soir du dixième jour il arriva en vue d’une terre, celle du roi Gwyddno, connu pour posséder l’une des treize merveilles du royaume, un filet qui, chaque soir qu’il est mis à l’eau, rapportait suffisamment de poisson pour nourrir toutes les bouches du clan, et même plus. Gwyddno avait un fils, Elfin, un des garçons les plus malheureux et infortunés qui soient, et qui, ce soir-là, avait par son père été chargé de relever le filet, afin de lui porter chance.Habitué à son infortune il ne fut pas surpris lorsqu’il releva le filet et qu’il n’y trouva que le couffin tréssé et aucun poisson.


Dans ce couffin, il y vit Gwyon, et Elfin fut si ébloui par sa beauté qu’il le nomma Taliesin et repris courage et ardeur en revenant chez lui. Son père, s’il commença par se lamenter de ce qu’Elfin n’avait rien pêché pour nourrir le clan, fut lui aussi sous le charme quand il vit le bébé. Et il le fut plus encore lorsque rassasié et réchauffé, le bébé entreprit de leur conter son histoire, celle de Gwyon Bach et Keridwen, et ce, sous la forme d’un chant aux sonorités parfaites.


Puis Taliesin prit la parole :” Grand merci à toi, Elfin, de m’avoir ainsi recueilli et accueilli. Entend maintenant que tu ne le regretteras pas car je suis Taliesin et si bientôt mon nom brûle parmi les innombrables étoiles du ciel, crois bien que je ne serai pas ingrat et que tu trouveras avec moi une récompense à la hauteur de ta gentillesse. ” Taliesin passa quatre années dans la maison d’Eflin, quatre années qui le virent passer d’enfant, au jeune homme qu’il est aujourd’hui au grand émerveillement des gens du roi Gwyddno. Tout ce temps, il s’appliqua à égayer son bienfaiteur qui, de timoré et voûté qu’il était, devint peu à peu un homme de compagnie agréable et de bonne conversation.


Vint un jour d’automne où Elfin les quitta, ayant été invité par son oncle Maelgwin Gwynedd à séjourner sur ses terres, à Degawny. Alors qu’il se trouvait là-bas, en compagnie des hommes de son oncle, à recevoir le boire et le manger, tout en écoutant les bardes chanter la gloire de ce dernier, Elfin, à qui la boisson avait fait perdre un peu la tête, se vanta d’avoir barde plus talentueux et femme plus fidèle que quiconque à Degawny.


Son oncle, entra dans une colère rouge, le fit jeter en prison, puis envoya Rhun, son fils illégitime, un jeune homme d’une beauté à laquelle aucune femme ne résistait, avec pour mission d’aller séduire la femme d’Elfin. Mis au courant de tout le stratagème, Taliesin, alla trouver sa protectrice pour tout lui raconter et lui proposer de la remplacer par une servante qui endosserait ses vêtements et ses bijoux. Rhun coucha donc avec la servante et, au petit matin, lui trancha le doigt qui portait l’anneau d’Eflin, avant de s’enfuir en direction de Degawny. Là, on fit sortir Elfin de prison pour lui montrer la preuve de l’infidélité de son épouse. Il répondit : ” Ah !! Ce doigt est trop petit, son ongle est sale, et il porte encore les traces du pétrissage du seigle, ce ne peut être celui de ma femme !! ” Maelgwin, furieux, fit remettre Elfin en prison, sous les yeux de Taliesin, car il avait suivi Rhun en secret lorsqu’il s’était enfui.


Plus tard dans la soirée, et sous la conduite d’Heinin leur chef, les trois bardes de Maelgwin se préparèrent à chanter pour apaiser le courroux de leur roi. Mais Taliesin leur avait joué un tour à sa manière, et ne sortirent de leurs bouches graisseuses que des ” bleub bleub ” maladroits et autres sons grotesques. Puis Taliesin s’avança, fit connaître à tous sa présence, et, pour mieux confondre les bardes de Maelgwin, se mit à chanter avec une telle force que son chant déclencha une tempête qui s’apaisa aussitôt les dernières notes retombées. Maelgwin, reconnaissant alors qu’il surpassait tous ses bardes et probablement tous ceux du royaume, fit amener Elfin dont il fit tomber les chaînes.


L’oncle et le neveu désormais réconciliés, Taliesin conseilla à Elfin de prétendre qu’en plus de la femme la plus fidèle et du barde le plus talentueux, il avait également le cheval le plus rapide, ce qu’il fit. Trois jours plus tard, une course était organisée et Taliesin alla trouver le coureur de Elfin et le muni de 24 branches de houx brûlées en lui donnant pour instruction d’en frapper chaque cheval qu’il dépasserait avant de jeter son manteau là où le sien ferait un faux pas. Ainsi fut fait et après qu’Elfin eut remporté la course, Taliesin l’emmena là où était tombé le manteau en lui conseillant de creuser à cet endroit précis. Il y trouva un chaudron remplit d’or et, s’étant acquitté de sa dette, lui ayant établi considération et richesse, Taliesin quitta Elfin.. C’est ainsi que Taliesin parcouru les terres du monde pour y trouver le sujet de nouvelles chansons et parfaire sa connaissance en toute chose.


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