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  • Photo du rédacteurPatricia Buigné

Kerridwen et le chaudron

Dernière mise à jour : 18 nov. 2023


Kerridwen, la galloise


Toute sorcière digne de ce nom possède un chaudron. Or, Kerridwen, guérisseuse des corps et des âmes, en avait un, immense, dans lequel elle préparait des remèdes, des philtres et potions magiques de toutes sortes. Pour elle, les plantes n’avaient pas de secrets. Comme toute sorcière qui se respecte, elle devait certainement connaître la Jusquiame, le Capuchon des Moines, la Morelle endormante qu’on appelle aussi Belladona, et bien sûr la Mandragore, cette plante dont on dit qu’elle a la vertu de faire voler les sorcières… Mais cela, l’histoire ne le dit pas…


Toutefois, il est rapporté que, forte de toute cette Connaissance de la Nature, Kerridwen s’était donnée une tâche bien définie. Puisque son fils Afagddu était né doté d’une grande laideur physique, elle compenserait ce lourd handicap en lui donnant la connaissance des arcanes de l’Univers et des secrets de l’avenir. Pendant des années entières, elle rechercha la formule adéquate d’une potion magique qui lui confèrerait ces dons. Enfin, elle su qu’elle avait trouvé le breuvage idéal nommé « greal » qui serait composée de six plantes. Pourrait-il s’agir des plantes sacrées des druides, dénommées aujourd’hui « plantes de la St Jean », c’est-à-dire l’Achillée Millefeuille, l’Armoise, la Digitale, le Millepertuis, la Sauge et la Verveine ? Là encore, l’histoire ne le dit pas…


Ce que nous savons par contre, c’est que chaque plante était cueillie selon des rituels sacrés, en fonction de la saison, de la lune et des énergies diffusées par les astres. Il est probable que Kerridwen les cueillait la nuit, certaines à la lune ascendante, d’autres à la lune descendante. Peut-être même les cueillait-elle nue, « revêtue du ciel », en fonction de ses cycles féminins. Mais cela, l’histoire ne le dit toujours pas…


Gwyon, futur initié


Les plantes du breuvage étant réunies, Kerridwen décida que celui-ci devait mijoter pendant un an et un jour. Un jeune garçon prénommé Gwyon fut choisi pour brasser régulièrement le mélange et surveiller attentivement la marmite dont la température devait être maintenue constante. Pendant ce temps, Kerridwen continuerait de battre la campagne pour collecter les plantes nécessaires. Une année s’était écoulée et Gwyon, fidèle au poste commençait à se sentir fatigué. Il ne restait plus qu’un seul jour. Pressé d’en finir avec sa tâche, il tourna un peu plus fort, si bien que trois gouttes giclèrent sur son doigt. Pour soulager la brûlure il mit son doigt dans sa bouche et goûta la mixture. En un instant, il acquit toute la science et la vision des choses à venir que Kerridwen destinait à son fils. Il réalisa aussi la toute-puissance de Kerridwen et en conçut une crainte. Et si cela se retournait contre lui ? Il préféra s’enfuir.


Vivre les quatre éléments


En effet, prévenue par son don de clairvoyance, Kerridwen accourait déjà. L’apercevant à ses trousses, Gwyon, grâce aux pouvoirs du chaudron, se changea en lièvre, expérimentant l’élément terre.

Mais Kerridwen se changea elle-même en lévrier et allait l’attraper...

Alors, Gwyon voulu expérimenter l’eau. Il se précipita dans la rivière et devint poisson.

Mais Kerridwen se changea en loutre et continua de le pourchasser sous les eaux.

Alors, Gwyon expérimenta l’air. Il pris la forme d’un oiseau et s’élanca vers le ciel.

Mais Kerridwen se fit épervier et fondit sur lui...

Alors, apercevant un tas de grains sur l’air des battages, Gwyon s’y laissa tomber et devint grain de blé, ne sachant pas que bientôt, il expérimenterait le feu.

Mais Kerridwen se transforma en poule noire, et entreprit de gratter et d’éparpiller le blé. Elle trouva le grain de blé et, en femme dévorante tant redoutée, elle l'avala.




Le chaudron de renaissance


Kerridwen avait repris sa forme primitive et son ventre s’arrondissait. Nourri par la douce chaleur de son feu intérieur, un être nouveau mijotait dans son chaudron de renaissance. Que s’était-il passé au juste ? Tout comme le Dieu-grain féconde la Terre-Mère rendue fertile par son feu central, Gwyon-petite graine n’avait-il pas avait fécondé Kerridwen , la Triple Déesse ?

Neuf mois furent nécessaire pour qu’un enfant magnifique vint au monde, si beau qu’il effaçait toutes les laideurs du monde, même celle de son fils Afagddu. L’époux de Kerridwen n’en sut jamais rien car, elle ficela l’enfant dans un sac de cuir et le confia aux flots. Kerridwen avait remplie sa tâche. Une autre vie attendait maintenant cet enfant qui, initié, devra changer de nom…


Taliésin


En ce premier jour du mois de mai, jour de Beltaine, grande fête celtique sacerdotale liée au Feu, Elphin, fils unique du roi Gwyddno était en train de pêcher dans son royaume situé au nord du Pays de Galles. Quel ne fut pas sa surprise quand les courants vinrent déposer une nacelle dans ses filets ! Un enfant se trouvait dans la nacelle. En extirpant celui-ci, il vit une étrange lumière qui éclairait son front. « Oh ! un front brillant ! je t’appellerai Taliésin (ce qui signifie « front brillant »), et je t’élèverai comme mon fils, s’écria le prince Elphin »

« Tu ne le regretteras pas » répondit le bébé Taliésin, à la grande surprise d’Elphin qui n’en croyait pas ses oreilles…

Taliésin était un enfant remarquable. Dès son plus jeune âge, il s’exprimait comme un adulte. Très jeune, ses dons exceptionnels fit de lui le Chef des Bardes et il fut nommé Taliésin Penbardd (Taliésin, le Chef des Bardes). Omniscient, il délivrait les secrets de l’Univers sous forme codée, à travers sa poésie et ses chants, selon la tradition orale druidique. Omnipotent, il avait un pouvoir de transformation que seul l’initiation à la Connaissance des secrets de la Triple Déesse peut conférer. Son poème « Le combat des Arbres (Câd Goddeu) », fait état de cette sensibilité permettant d’entrer dans l’essence même de toutes choses…


Le combat des arbres


J’ai revêtu plusieurs aspects,

Avant d’atteindre ma forme naturelle,

J’ai été le fer étroit d’une épée.

J’ai été une goutte dans l’air.

J’ai été une étoile scintillante.

J’ai été un mot dans un livre.

J’ai même été un livre au début.

J’ai été une lumière dans une lanterne.

Une année et demie.

J’ai été un pont enjambant

Trois vingtaines de fleuves.

J’ai voyagé tel un aigle.

J’ai été un bateau sur la mer.

J’ai été un chef de guerre.

J’ai été le cordon d’un lange d’enfant.

J’ai été une épée dans la main.

J’ai été un bouclier dans la bataille.

J’ai été la corde d’une harpe,

Retenue par un enchantement pour une année

Au fond de l’eau écumante.

J’ai été un tisonnier dans le feu.

J’ai été un arbre dans un fourré.

Il n’y a rien que je n’aie été. »


Epilogue


Un jour, alors que Taliésin marchait sur une plage, il rencontra un homme qui marchait dans la même direction. Taliésin qui le reconnut, alla au devant de lui :

« Je te salue, Merlin, lui dit-il. Si je suis le témoin d’un ancien monde, Toi, tu es celui qui doit venir, le prophète et le magicien des temps passés, présents et futurs. La Triple Déesse celtique Kerridwen m’a nourri de son « greal ». Quant à toi, je le sais, tu enseigneras le Graal du dieu christique. Mais, entre nous, nous savons bien tous deux que chaudron et coupe ne font qu’un…»

Et, comme deux compères, Taliésin et Merlin partirent d’un grand éclat de rire…


Patricia


N.B. Ce mythe celte, tiré de bribes rapportées par différents auteurs, est une composition personnelle, actualisée et enrichie des connaissances de la culture celtique, de façon à laisser transparaître, en filigrane, quelques éléments de compréhension possible.


Voir aussi sur cette page de ce même site : Kerridwen et Taliésin d'après le livret du Barde de Syd.

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