Le chemin de l’être essentiel
Le besoin fondamental de l’être humain est de retrouver le chemin de son être essentiel, bien au-delà de tout ce conditionnement que la société et l’éducation a fait peser sur nous. Car qui sommes-nous en réalité ? Cet ex-enfant sage et discipliné qui, dans son application à correspondre à ce qu’on veut de lui, a perdu toute sa créativité ? Ce travailleur sans passion qui oeuvre par devoir et par nécessité ? Ou bien ce rebelle qui trouve dans l’agressivité une soupape de sécurité à son énergie créatrice inemployée ? Et si plutôt nous étions ce dieu, cette déesse, ce héros, mais aussi ce monstre et ce titan dont les mythes et les contes sont remplis ? Et si tous ces êtres fabuleux qui osent tout et qui peuvent tout, vivaient en chacun de nous sous la forme de figures archétypiques ?
Les mythes, langage de l’âme collective
Depuis que l’homme s’exprime, existent les mythes. Joués, mimés, chantés, dansés, pour mieux les intégrer en soi, leur tradition était purement orale. Ils étaient l’extériorisation symbolique des fantasmes qui faisaient la singularité de chaque être dans la tribu. L’acceptation inconditionnelle de la variété des manifestations individuelles constituait le trésor culturel de ces civilisations dites “primitives”. Un monde fabuleux vivait en chacun, témoignant constamment du contact avec les Dieux. A travers les divers modes d’expression d’un même langage de l’âme que les mythes relataient à leur façon, le partage avec les autres était cadeau et enrichissement pour tous. Ainsi s’organisait sainement la vie psychique.
Les mythes, récits de l’histoire de l’humanité
Grâce aux mythes qui racontent l’origine du monde, des dieux, des hommes, la création des animaux, l’origine des traditions, des rites et de certaines formes de l’activité humaine, s’organisait aussi la vie sociale et spirituelle ainsi que la transmission des connaissances. Toutes les cultures en possèdent. Relatant des événements situés dans un temps antérieur à l’histoire des hommes, ces récits, qui mettent en scène des êtres et des processus surnaturels, relient tout naturellement les humains au monde spirituel.
Les Anciens et les mythes
Pour les chamanes et les prêtres-médecins égyptiens, les maladies provenaient d’une perte d’âme, bien souvent d’ailleurs générée par la « maladie des Ancêtres ». Le traitement consistait alors à apaiser l’âme des Ancêtres en la mettant en contact avec l’esprit ou le dieu qui lui correspondait au moyen de voyages chamaniques. Quant aux dieux – qui étaient des valeurs de l’être au même titre que nos concepts d’aujourd’hui – ils étaient alors des modèles accessibles qui avaient visage humain avec leurs imperfections. On les nommaient « démons » quand ils exprimaient leur face sombre. Aujourd’hui, « Dieux et démons » sont, selon Jung, l’expression des deux versants de l’archétype. Les voyages chamaniques resurgissent dans les mythes qui nous sont parvenus. Quant à la maladie des Ancêtres, c’est le travail transgénérationnel qui s’emploie à la guérir.
L’oubli des mythes et la perte d’âme
Mais avant d’en arriver là, l’âme a connu bien des tribulations. En effet, une distinction progressive entre l’âme et l’esprit allait être officialisée en 787 par le concile de Nicée et confirmée en 869 par celui de Byzance. Il semblerait que, l’imagerie spontanée de l’âme donnant à chaque être des dons jugés suspects, l’église ait trouvé préférable de privilégier l’esprit, c’est-à-dire l’expérience des cimes (Mont Sinaï, Mont des Oliviers, etc.) au détriment de l’âme, c’est-à-dire l’expérience des vallées, ce lieu de dépression émotionnelle (vallée des larmes, vallée de l’ombre et de la mort, etc.) . Mais peut-on imaginer une montagne sans sa vallée ? Importante scission qui vida les images de leur Sens profond et donc de leur pouvoir divin… A partir de ce moment, elles ne furent plus que représentations d’idées et illustrations de doctrines théologiques. Le langage de l’âme disparut et, avec lui, l’efficacité symbolique des mythes. Le Verbe n’était plus Chair et il fut donné à l’homme de connaître la confusion de la Tour de Babel. Les fantasmes qui faisaient auparavant la richesse de chaque être furent appelés “désordres”. La notion de “norme” naquit et tout ce qui n’y entrait pas devint pathologie. L’homme avait perdu son âme.
La résurgence des mythes
Quand les grands systèmes symboliques collectifs sont usés et que les images ne sont plus qu’allégories ou idéologies, chacun est condamné à recréer son propre système symbolique. C’est à ce moment que les créateurs retrouvent spontanément les mythes fondateurs de notre culture. Si nous devons aux artistes de la Renaissance d’avoir commencé à exhumer les mythes de l’antiquité gréco-romaine, aujourd’hui, des disciplines aussi diverses que l’histoire, l’archéologie, l’anthropologie, l’ethnologie, la linguistique ou la psychanalyse s’y intéressent. Freud a réactualisé le mythe qui lui permit d’élaborer le fameux complexe d’Oedipe. Jung quant à lui, tout en élaborant son concept « d’inconscient collectif », a dégagé des mythes et des rêves, la notion d’archétypes, ces images primordiales prenant leur source à l’origine de l’humanité. Le chemin de l’âme est maintenant retrouvé. Nourrissons-le.
L’approche
Ce chemin de l’âme, il est possible de le nourrir en fortifiant l’ancrage individuel grâce à des repères collectifs
– d’ordre géographique (qui célèbre l’Esprit du lieu),
– d’ordre culturel (qui évoque l’histoire et les légendes rattachées à l’Esprit du lieu)
– et d’ordre spirituel (qui tient compte des courants spirituels rattachés à l’Esprit du lieu).
Patricia
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